Sartre : l’art de la baudruche

Sartre : l’art de la baudruche

Le Monde vient de publier un point de vue au vitriol sur Sartre, sous le titre « le siècle de Sartre ». L’auteur, Michel Onfray, dit avoir extrait des « pépites » d’un livre d’entretien donnés par Jean-Paul Sartre à John Gerassi entre 1970 et 1974. Et ce sont effectivement des pépites !

Extraits :
« Sartre avoue ne s’être jamais senti coupable de rien durant toute sa vie ; il confesse avoir été dépressif avant-guerre et s’être fait suivre par des crabes auxquels il parlait dans la rue ; l’expérience de la mescaline puis une consommation d’amphétamines aggraveront les choses ; de façon récurrente, il insulte le général de Gaulle tour à tour « maquereau réac », « merde », « crétin pompeux », « monstre », « foutu salaud », « porc ». L’insulte est régulière, Malraux est lui aussi un « porc » et ses travaux sont « de la merde ». Il utilise cinq fois le mot « trahison » pour caractériser le remariage de sa mère avec un beau-père haï, honni, et… « gaulliste jusqu’au bout des ongles » ; avant ce funeste jour dans sa vie, le philosophe couchait dans la chambre de sa mère. »

Ou bien encore :
« il dit qu’en 1947 il n’est toujours pas politisé. Il compagnonne ensuite avec les violences révolutionnaires du siècle : il soutient l’URSS, les pays de l’Est, la Chine de Mao, il minimise les victimes de la Révolution culturelle et doute qu’elle ait pu en entraîner ; il publie dix-huit articles favorables à Castro ; il réitère la légende d’une rupture avec le PCF après Prague, mais regrette que le Parti communiste français n’ait pas pris le pouvoir en mai 68 ; il prétend qu’en mai de Gaulle a demandé à Massu de prendre le pouvoir ; il écrit sur Daniel Cohn-Bendit : « Il était loin d’être brillant. Je ne l’aimais pas tellement » ; et sur Raymond Aron : « De toute évidence, il est totalement, complètement, systématiquement de deuxième ordre, fondamentalement c’est un con et un imbécile. » Il célèbre l’illégalisme révolutionnaire et fait l’éloge du « bain de sang » pour des raisons politiques. »

L’ensemble du papier est à l’avenant. Michel Onfray, bien évidemment, ne nie pas la qualité littéraire de l’oeuvre de Sartre. Ce serait inepte. Personnellement, j’ai été un grand admirateur d’Aron. J’étais fondamentalement opposé au marxisme imaginaire de Sartre. Mais j’ai aimé « Les mots », découvert avec lui de nouveaux horizons littéraire et intellectuel dans ses « situations », et admire son théatre à l époque. Mais peut-être a-t-il vieilli.

Je sais que je ne relirai pas ses romans et que politiquement il a été l’artisan, au cours du siècle dernier, d’une mystification et d’une imposture de taille. C’est un point de vue que partagent de très nombreux commentateurs de l’article du Monde. Il n’y a, à mon sens, rien à rajouter, aux trois propos suivants :

« Sartre, c’est une imposture légalisée par les salons littéraires, le snobisme et le terrorisme intellectuel poussé au plus haut degré. Écrivain, oui, je veux bien, mais philosophe…Il ne suffit pas d’écrire et de dire des choses inintelligibles pour le commun des mortel pour que cela devienne de la philosophie.Sartre lui même, 15-20 ans après avoir écrit, était incapable d’expliquer ce qu’il avait voulu dire, à l’époque, à un admirateur qui questionnait « le Maître » pour y voir plus clair! « 

« C’est une présentation assez complète de la pensée politique de la Gauche intellectuelle des beaux quartiers dans ses années…Il ne faisait pas bon à cette époque de critiquer cette Vulgate…Heureusement que l’oeuvre de Sartre ne se résume pas à ses fatwa politiques, malheureusement référence à cette époque. Pour sa défense ,la pensée de droite souvent égarée et fascinée par le fascisme, n’avait guère de champion de poids dans ces années Sartre. »

« Quel est (le sens de) cet article? Un suite de phrases avec une tentative d’objectivité? Une apologie? La démagogie d’un homme (Sartre ou l’auteur) sur fond d’anticonformisme à tout crin? Dévoiler tout ce que l’on savait déjà en le lisant? Comprendre qu’une partie du XXe siècle a été celui de l’art de la baudruche? »

Cette dernière expression est le meilleur récapitulatif et le meilleur titre qu’on puisse trouver.

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