François Pinault et l’histoire

François Pinault et l’histoire

Lu dans Le Journal des Arts – n° 458 – 27 mai 2016

De nombreux commentateurs, qui ont souvent les yeux de Chimène pour François Pinault depuis qu’il est devenu collectionneur, ont souligné à l’envi la « belle opération » réalisée par l’homme d’affaires à la Bourse de commerce de Paris.

Certes, la scène artistique ne peut que se réjouir d’un nouveau lieu d’exposition d’art contemporain à Paris dans une ville qui n’en manque cependant pas, de même que le quartier des Halles – bien mal traité par les urbanistes — va bénéficier d’un lieu prestigieux.

Le patron de Christie’s n’est pas en peine pour exposer sa collection. À Venise il dispose de deux lieux et il lui suffit de lever le petit doigt pour qu’on lui fasse un pont d’or, comme ce fut le cas à la Conciergerie en 2013. Mais n’y a-t-il pas là un désir inachevé pour François Pinault (80 ans en août prochain) qui « rêvait d’un bâtiment » conçu par Tadao Ando pour l’île Seguin ?

Celui qui a fait fortune en rachetant avec une faible mise de fonds personnelle des entreprises en difficultés, entrera vraisemblablement dans l’histoire d’abord comme l’un des plus grands collectionneurs d’art contemporain. C’est ce qu’il veut. Rappelons que le propriétaire de Gucci, Saint-Laurent ou la FNAC n’est pas un philanthrope, sa collection lui appartient en propre, et à notre connaissance aucun ensemble conséquent n’a été donné à une structure tiers. À cet égard, le terme de musée que l’on utilise à tort et à travers pour laisser croire que la Bourse du commerce est un équipement public, est ambigu. Lorsque François Pinault expose sa collection, il augmente la valeur de son patrimoine familial, pas celle de la nation.

Être un grand collectionneur est-il suffisant pour laisser une trace dans l’histoire ? Non ! pour cela rien ne vaut la pierre, un bâtiment à l’architecture audacieuse qui traverse les siècles. Ce destin est, pour l’instant, réservé à d’autres : de son rival de toujours, Bernard Arnault, qui a construit en bordure de Paris un lieu mémorable à Eli Broad à Los Angeles, en passant par Eugenio López Alonso à la Fondation Jumex au Mexique.

Jean-Christophe Castelain
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