Presse : racolages à tous les rayons

Presse : racolages à tous les rayons

Serge Halimi vient de publier dans Le Monde Diplomatique un des articles les plus intelligents qu’il m’ait été donné de lire sur la presse depuis fort longtemps. Intitulé « Recomposition brutale, racolages à tous les rayons« , cet article, que je vous engage vivement à consulter, passe en revue les difficultés que rencontre la presse et il explique pourquoi et comment elle est en train de perdre pied et de se dévoyer.

En cause, la prolifération de l’offre. « L’offre de contenus médiatiques progresse annuellement de 30 %, écrit Serge Halimi : le nombre des chaînes européennes de télévision a triplé depuis dix ans, celui des magazines a quadruplé depuis un quart de siècle. Presque inéluctablement, l’attention réservée à chaque titre pâtit. »

A quoi il faut ajouter la réorientation des dépenses des ménages vers les téléphones portables, l’audiovisuel payant et surtout internet où l’offre d’information gratuite à littéralement explosé… sans parler de la presse gratuite.

Au total la diffusion papier ne cesse de chuter. Les recettes publicitaires aussi par conséquent. Or celles-ci représentent parfois 70%, voire beaucoup plus, du chiffre d’affaires de certains supports.

La mise en ligne gratuite de contenu, qui passait pour la panacée, est source de désillusion. Pour un abonné papier perdu, les annonceurs exigent des journaux dix internautes supplémentaires pour maintenir leurs investissements publicitaires.

« Le glas, poursuit Serge Halimi, a déjà sonné pour certains titres ; l’heure de vérité se rapproche pour d’autres. Aux Etats-Unis, quinze mille journalistes ont été licenciés l’année dernière, davantage consentent à des baisses de salaires ; afin de survivre, le New York Times a accepté un prêt à 14 % d’intérêts ! »

Conséquences de ces difficultés économiques et financières :

  • La dégradation des contenus et, particulièrement, de moins en moins d’enquêtes au sens vrai du terme,
  • l’adoption de « recettes concoctées par les services du marketing : culte de l’article court, des thèmes « de société », titre criard pour annoncer une broutille, micro-trottoir, sujet « de proximité« .
  • Des offres d’abonnements assorties de cadeaux, littéralement bradées, et qui sont ni plus ni moins que de la vente à perte.
  • La focalisation des informations sur du non-événement. « Le 30 août 2009 à 20 heures, sur TF1, les élections japonaises disposèrent de vingt secondes au milieu de la dix-septième minute du journal de 20 heures. La présentatrice expédia cet « événement politique majeur » sans l’accompagner d’une image ou d’un commentaire. La défaite du parti conservateur après cinquante-quatre années d’exercice du pouvoir (lire passa ainsi bien après la mort de six randonneurs de montagne en Savoie. Laquelle fit naturellement l’ouverture du journal. »

L’analyse que fait Le Monde Diplomatique est vraiment fine. Elle mérite, à mon sens, une lecture attentive pour comprendre pourquoi la qualité de l’information ne cesse de se dégrader dans les supports de presse, du moins ceux dignes de ce nom.

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