Lectures pour nous : souvenirs – 1

Ce premier post fait partie d’une série de trois papiers que nous avons échangés, avec des amis, pour partager nos lectures et nous signaler, les uns aux autre, les livres que nous avions apprécié. C’était en 2004-2005, bien avant que je ne sacrifie à la mode des blogs et que je ne m’y mette. Mon voeu aujourd’hui est de réactiver ces échanges… sur  ce blog. Le papier en question s’intitulait :

Rentrée littéraire
Les choix de « Lecture pour nous »

… et de son unique rédacteur tapant sur un doigt le dimanche après-midi

Ce papier se poursuivait ainsi :

 

J’ai mis en italiques les livres dont je suis certain, pour les avoir lus ou avoir eu assez de recoupements, qu’ils sont bons :

 

Jonathan Littell:

«Les Bienveillantes» (chez Gallimard)

Bien sûr, tous les journaux en parlent, ce sera le prix machin; de tout urgence, je vous recommande une lecture attentionnée des 900 pages.

Quand c’est à ce niveau, on peut oublier d’acheter pour les lire, les œuvres cumulées de: Madame Angot, Monsieur Lévy, Mademoiselle Nothomb, Laurent Gaude de Goncourt, le porc-épic Mackimbou qui font ensemble 900 pages, qui ont eu quelquefois de l’intérêt pour vous ou du talent (pas tous) mais pas cette année!

C’est le «Guerre et Paix» du XXème siècle, un «chant du bourreau», qui commence, rappelant Villon:

«Frères humains, laissez-moi vous racontez comment ça s’est passé.

On n’est pas votre frère, rétorquez-vous, et on ne veut pas le savoir.»

Et chaque chapitre de cet enfer est nommé «Toccata, allemande, sarabande, menuet…» Céline, cité par Littell avait écrit: «l’horreur n’est rien sans le songe et la musique».

Le «Je suis ce que je me raconte» de Paul Ricœur, par un nazi cultivé lecteur de Stendhal, Flaubert, Platon, Kant et Eschyle. Ecrit dans un français qu’on voudrait plus souvent lire par un écrivain français à demi américain qui réécrit en anglais son livre.

Bref, on en parle tous ensemble quand on l’aura fini. Je n’en suis qu’à la page 291 avec les Kabardes et les Balkars, peuples du Caucase proche de la Tchétchénie que j’ai visitée avec Danuté, et où nous avons des amis et je reviensà la page 201 pour relire une leçon bien utile, digne de Dumézil sur les langues d’une régionque je croyais mieux connaître.

J’ai relu, et à voix haute, les pages 170 et 171, non pour la culture mais pour l’émotion d’une exécution qui nous bouleverse et fait déraper furtivement pendant trois lignes dérangées magnifiquement par l’émotion et le style du narrateur.

Il n’est pas possible de sauter des pages, ce que j’avais fait en lisant «Belle du Seigneur» mais comme Belle ou dans nos livres de chevet on s’attarde on relit de suite ou on se dit qu’on relira ce qu’on lit trop vite.

Bon courage!

Stéphane Audeguy

«Fils unique »(chez Gallimard)

Apres Littell, je ne pouvais vous faire passer directement au second livre, de Robert Powell, qui m’a plu énormément et dont le style ou la traduction sont un peu particuliers, sans une pause.
Vous la prendrez avec plaisir avec le frère de Jean-Jacques Rousseau, libertin qui a vu Jean-Jacques pour la dernière fois quand il avait dix huit ans et qui, à 90 ans, assiste à la «Panthéonisation» républicaine de son frère.

Un bon moment par un très bon ettrès intéressant écrivain français.

Robert Powell

«Le temps où nous chantions»

Là je triche: ce n’est pas un livre de la rentrée mais un livre de 2003. Américain, en plus et tout bien réfléchi, le style est surprenant mais il tient.

Vous lirez, amateurs de musique, cette histoire d’un juif marié en 1950 à une noire qui s’enferme dans la musique avec ses trois enfants.

Ce qu’il ne peut oublier de son passé en Pologne mêlé à l’environnement social dans lequel évoluent une noire et ses 3 enfants, doubles métèquesprotégés par un cocon familial et musical.

En Caroline des années 50 aux années 60. Bien sûr ça va craquer!

Vertigineux!

M’a été recommandé par mon amie Francine Ceuzin.

Les bons livres des critiques que j’aime et des livres que je lirai (merci de vos conseils si vous les avez lus)

Pivot a aimé le Camille Laurens de cette année dont j’avais aimé «Dans ces Bras-là»;

«Ouest» de François Vallejo: la relation d’un nobliau fin de race avec son garde chasse que l’on juge vénéneux, plombant (!) (la suite de «la Règle du Jeu?»

Le dernier du vieux John Updike « Tu cherches mon visage» la vie romancée d’un Jackson Pollock mixé avec Warhol pour un bon roman de peinture.

J’attends pour rire éventuellement Patrick Besson et son livre de 130 pages sur Marilyn où il parlera de tout.

Mais cet hurluberlu a accouché d’un beau «Dara» chez Gallimard, il y a quelques années, et nous fait poireauter dans le Point pendant les vacances de Claude Imbert.

Je lirai bien entendu pour ceux qui savent que je l’aime « les Lettres de Guerre» et d’«Amour» de Lobos Antunes;

«Qui dis-je en nous?» de Claude Arnaud dont le propos emprunte autant à la littérature qu’a la philosophie;(rappelez vous le Microcosmos)

Pendant ces derniers mois

Je me suis bien amusé, grâce à Pierre Nahon, avec«Marc Edouard Nabe» en lisant la préface à son vertigineux et agaçant premier livre écrit quand il avait vingt ans.

J’ai dégusté Seeland de Robert Walser, tiens, je crois que je vieillis ou que je mature! et «les Emigrants» de W.G Sebald.

«Les lunettes d’or» de Bassani; Albine et Jean Pierre Milet m’ont fait retrouver le chemin de Ferrare et du «jardin des Finzi Contini» (et du «Héron) et donné la nostalgie de relire «le Bel Eté»de Césare Pavese.

J’ai commencé «Kafka sur le Rivage» de Murakami mais comme Dominique Frantz peinait sur la fin 300 pages plus loin, j’ai fait un grand raccourci! Dommage!

Trop long, les gars, vous n’êtes pas tous au niveau de Tolstoï, Stendhal ou Marcel! Faites plus court!

Je n’ai pas lu mais acheté (pour d’autres temps ou parce que je suis faible devant mes libraires)

– Un Monde vacillant de Cynthia Ozick (408pages)!

– A la Recherche du Voile Noir de Rick Moody (408pages)!

– Pieux Mensonges de Maile Meloy (376pages)!

– Un Besoin d’Absolu A.l. Kennedy (732 pages)!

Tous ces livres publiés aux éditions de l’Olivier, sont des pavés anglo-saxons.

Total:1918 pages de drames psychiatriques! Zut, pourquoi je les achète?

Tout cela est la faute de l’éditeur trop sympathique ou de l’impérialisme américain qui fait de la concurrence à nos pavés classiques français et russes.

Vive la légèreté!

Au secours, avant que je ne m’y mette.

Mes excellents amis lecteurs qui ne lisent pas que des romans

Vous recommandent de lire (et moi aussi) la biographie sur Dominique Aubry d’une épatante jeune historienne américaine.

Quand je tape un long mail avec un doigt, je frôle l’Alzheimer.

Le futur Aldo Naouri sur Adultère (Odile Jacob)

En lisant et écrivant de Julien Gracq.

RESULTAT DE NOTRE GRAND CONCOURS

Un grand succès, des milliers de réponses.

Notre rédaction vient de dépouiller les 129 réponses lisibles:

  • 33 ont été refusées;
  • 84 ne répondaient pas aux questions;
  • 4 étaient vraiment d’un goût douteux: pour l’orthographe, l’atteinte aux bonne mœurs, la mauvaise qualité du papier;
  • 2 étaient en géorgien, une des rares langues que Danuté ne comprend pas;

Puis j’étais fatigué de toutes ces lectures et il fallait tranchersur les excellentes réponses de mes amis.

Le premier prix va à Pierre et Marianne Nahon qui ont eu besoin de Steve et Edmonde Huret (et peut-être des Millet que j’essaie de réintégrer dans le concours).

Ils gagnent un voyage à Venise où ils pourront m’inviter avec les Millet et les Huret.

Et nous publions «gratuitement» leur liste:

Pierre et Marina NAHON – Steve et Edmonde HURET
1. Proust A La Recherche du Temps Perdu 16. Miller La trilogie, Sexus…
2. Céline Le Voyage 17. Saint-Exupéry Le Petit Prince
3. Joyce Ulysse 18. Malraux La Condition humaine
4. Kafka Le Château -L’Amérique 19. Perec Les Choses
5. Sartre La Nausée 20. Lowry Au dessus du Volcan
6. Camus L’Etranger – La Peste 21. Alain Fournier Le Grand Meaulnes
7. Breton Nadja 22. Valery Larbaud Barnabooth
8. Gide Les Faux Monnayeurs 23. Conrad Lord Jim
9. C. Simon La Route des Flandres 24. Keronak Sur la route
10. Moravia Le Mépris 25. Scott Fizgerald Gatsby le Magnifique
11. Soljenitsyne L’Archipel du Goulag 26. Mitchell Autant en emporte le Vent
12. Hemingway Le vieil Homme et la Mer 27. Aragon Aurélien
13. A. Cohen Belle du Seigneur 28. Robbe-Grillet Le miroir qui revient
14. Nabokov Lolita 29. Marguerite Dumas
15. Durrel Quatuor d’Alexandrie

 

Le deuxième prix va à l’équipe Jean-Pierre Bouilloud, Dominique Frantz et Daniel Hamel. Sans se connaître, ils ont un résultat commun époustouflant et complètement différent de celui du «Journal de la Ménagère»dont ils sont pourtant des abonnés fidèles.

Ils gagnent de m’inviter toujours avec Danuté à Paris, à l’île de Ré ou de me donner des conseils pour ne pas être emmerdé par les impôts.

Daniel HAMEL – Dodo FRANTZ – Jean-Pierre BOUILLOUD
1. Proust A La Recherche du Temps Perdu 17. Emile Ajar La Vie devant Soi
2. Kafka Le Procès 18. Sacha Guitry Roman d’un Tricheur
3. Saint-Exupéry Terre des Hommes 19. Boris Vian L’Ecume des Jours
4. Camus La Chute 20. Musil L’Homme sans Qualité
5. Soljenitsyne Le premier Cercle 21. A. Blondin Un Singe en Hiver
6. Duras La Douleur 22. G. Simenon La Vérité sur Bébé Donge
7. Jean Genet Journal du Voleur 23. L. Cocteau Thomas L’Imposteur
8. Jean-Paul Sartre La nausée 24. M. Aymé La Table aux Crevés
9. Zweig 25. Modiano
10. Foucault Surveiller et punir 26. H. Hesse
11. Rilke Lettres à un jeune Poète 27. J.M. Le Clézio Désert
12. A. Carpenter Le recours de la Méthode 28. WH Auden Poèmes
13. Ramuz Passage du Poète 29. Ramuz Passage du Poète
14. Gide L’Immoraliste 30. A. Akhmatova Requiem
15. H. Hesse Sigmund et Golmuth 31. M. Tsvetaeva Histoire de Sonietchka
16. Malraux La Condition Humaine

 

Le troisième prix m’est accordé à mon unanimité et je la partage.

Il devait aller à Bernard Blondeel, que je choisis de classer comme premier prix de Belgique ex-æquo avec moi.

Il a gagné un voyage en mer et un retour à Anvers à ses frais.

Alain MALLART – Bernard BLONDEEL
1. Proust (avant 14) A La Recherche du Temps Perdu
Du côté de chez Swann.
Proust A La Recherche du Temps Perdu
2. Céline 1932 Le Voyage Joyce Ulysse
3. Kafka 1925 Le Procès Lowry Au dessus du Volcan
4. Faulkner Le Bruit et la Fureur Joseph Conrad Typhon
5. Joyce 1922 Ulysse Gabriel Garcia Marquez Cent Ans de Solitude
6. Mikhaïl Boulgakov Le Maître et Marguerite Albert Camus La Peste
7. Nabokov Lolita Albert Cohen Belle du Seigneur
8. Conrad Lord Jim Italo Calvino Le Baron perché
9. Mishima Neige de Printemps Marguerite Duras Un Barrage sur le Pacifique
10. Tchékov 1901/04 Les Trois Sœurs, La Cerisaie Lawrence Durrel Le Quatuor d’Alexandrie
11. Tsvetaeva Le Poète et le Temps Céline Voyage au bout de la nuit
12. Apollinaire Alcools Rilke
13. Tanizaki Amour cruel Malraux
14. Stafan Zweig Amok Orwell
15. Miller 1933 Tropique du Cancer Hemingway
16. August Strinberg Mademoiselle Julie Truman Capote De sang froid
17. Aragon Aurélien Soljenitsyne Le pavillon des cancéreux
18. Camus L’Etranger Pasternak Docteur Jivago
19. Lampedusa Le Guépard Kafka Le Procès
20. Michel Tournier Les Météores Nabokov Lolita
21. Georges Pérec Les Choses
22. Paul Morand Milady
23. Yourcenar Mémoires d’Hadrien
24. Valery Larbaud Fermina Marquez
25. Boris Vian L’Ecume des Jours
26. Wiliam Styron Le Choix de Sophie
27. Gabriel Garcia Marquez L’Amour aux Temps du Choléra
28. Milan Kundera La Plaisanterie
29. J.M. Coetzee Disgrâce
30. Jérôme David Salinger L’Attrape-Coeurs

Les Herbo, Kriwin, Ceuzin, Tchekhoff, Croes n’ont rien gagné mais s’ils ne m’invitent plus je dis tout. Et j’en connais un rayon (de Bibliothèque) sur eux.

Les Lauréats seront comparés à la liste des meilleurs lecteurs de Critiques.com.

Le Monde avait demandé à 5.000 personnalités (et pas à nous) la liste des meilleurs livres du siècle.

On est bien meilleur que sa moyenne!

P.S.: La question posée était un petit peu difficile; Tchékhov (La Mouette 1905); Strindberg, Tolstoï sont morts après 1900.

Vous trouverez ci-après un panorama littéraire très éclairant.

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