Fascinants stradivarius !

Fascinants stradivarius !

Etonnante cette fascination qu’exercent les stradivarius ! De ventes en enchères, les prix atteignent des niveaux astronomiques : 11 millions d’euros pour le violon de Lady Blunt en juin dernier ! Quant aux études pour percer les secrets de ces instruments mythiques, elles foisonnent, alimentant du même coup de très nombreux articles dans la presse internationale. Pour finalement pas grand chose : en effet, à peine un « secret » du maître luthier de Crémone est-il levé qu’aussitôt on s’aperçoit qu’il n’y avait pas de secret du tout.
L’un des derniers en date a trait à la densité particulière des bois utilisés, densité qui leur permet de prolonger leur résonance et de donner de l’emphase au son. Des analyses au scanner en trois dimensions ont été menées. Elles expliquent scientifiquement… ce qu’on savait déjà : à savoir que les bois utilisés ont poussé pendant une mini période glaciaire et ont une structure particulière avec des cernes homogènes. Pour autant, les 300 luthiers de Crémone, qui vivaient à l’époque de Stradivarius et d’Andrea Guarneri et qui utilisaient les mêmes bois, n’ont pas fabriqué des instruments exceptionnels.
Alors ? On se perd en conjectures. Toutes les hypothèses ont été avancées sans apporter de réponses définitives.
Hypothèse des champignons : En 2009, des chercheurs ont traité du bois avec des champignons lignivores qui réduisent de manière homogène la densité du bois. Un luthier suisse a conçu un violon doté des mêmes qualités acoustiques que les violons de stradivarius. Derrière un rideau, un violoniste britannique a interprété le même morceau sur cinq violons différents, dont son propre stradivarius. Résultat : un des violons neufs a été perçu par le public comme ayant une meilleure sonorité que le stradivarius.
Hypothèse du vernis : Ah le vernis, un secret que le maître avait toujours refusé de dévoiler ! On en a parlé pendant 250 ans. Et on a tout entendu. On a prétendu que Stradivari ajoutait au liant de l’ambre fossile, de la propolis ou encore des coquilles de crustacés… A Saclay, dans l’Essonne, des échantillons de vernis ont été analysés en lumière infrarouge dans le synchrotron Soleil. Verdict : le luthier utilisait un simple vernir à l’huile et de la résine de pin.. Pas d’extrait de peau, d’os, ou d’esturgeon. Chromatographie en phase gazeuse, spectrométrie de masse… restait à recourir à comprendre le secret de la couleur. Là encore, rien de sorcier :  oxyde de fer, sulfate de mercure et enfin pigment laqué à base de cochenilles.
Hypothèse biochimique : les bois auraient été oxydés par un pesticide utilisé à l’époque. Hypothèse mathématique : le maître luthier a eu recours à la géométrie du nombre d’or…
La seule chose qui soit évidente est que le maître avait surtout un savoir-faire exceptionnel.
Mais des coups insidieux sont portés à sa réputation. Les violons modernes, pour certains d’entre eux du moins, ont eu aussi des qualités acoustiques qui sortent du commun et dépasseraient même celles des stradivarius.
C’est en tout cas la conclusion d’un test réalisé en aveugle, en début d’année, aux Etats-Unis :21 violonistes ont testé six violons sélectionnés (deux stradivarius, un Guarneri et trois modernes) d’abord par paires, pour comparer un ancien et un récent, pendant une minute puis ils ont joué 20 minutes avec chaque violon. Pendant les tests les yeux des joueurs étaient masqués et un peu de parfum avait été déposé sur les violons afin qu’ils ne puissent pas être identifiés à l’odeur. Selon Science et Avenir, « Les violonistes devaient évaluer des propriétés comme la jouabilité, la projection et la tonalité du son et la réponse de l’instrument. Dans les tests par paires ce sont les violons modernes qui ont remporté le plus de suffrages. Il leur a ensuite demandé avec quel instrument ils préféreraient partir s’ils avaient le choix. Là aussi la plupart du temps les violonistes ont préféré un violon de fabrication récente.
Un mythe s’effondre. Bientôt, il ne restera peut-être plus que le secret des pyramides pour enflammer les imaginations. Dommage !

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