La Chine : cause ou bouc émissaire de nos problèmes ?

Deux articles d’Antoine Brunet (Président d’AB Marchés et auteur de « La visée Hénémonique de la Chine ») ont été publiés successivement par Le Monde et par le site Atlantico :
– le premier sous la forme d’une tribune libre, le 8 août  : « La stratégie chinoise du yuan ruine les finances en Occident« ,
– le second, beaucoup complet et argumenté, le 9 août : « Crise : la Chine, vrai pyromane et vrai pompier« .

Le ton est donné dans ce dernier article dès l’introduction : « Depuis que les USA ont perdu leur AAA, la Chine tente de les culpabiliser en leur donnant publiquement la leçon. Puisque la Chine refuse de modifier son cours de change, il faut que les pays occidentaux organisent, en dépit de l’OMC, une riposte douanière contre la Chine et seulement contre la Chine et les pays qui joueront son jeu. »

Cette affirmation conclut une série d’observations : « Si on soulève le voile des marchés, écrit Antoine Brunet,on découvre un énorme investisseur qui désormais domine de très loin tous les autres. Cet investisseur, c’est l’Etat chinois. Il disposait fin juin 2011 d’un montant de réserves de change supérieur à 4 600 milliards de dollars ! (si l’on ajoute aux réserves de la Banque populaire de Chine, celles détenues par ses épigones, l’Autorité monétaire de Hong-Kong et les Fonds souverains de la Chine et de Hong-Kong). Cet acteur a maintenant la capacité de manipuler les principaux marchés : le marché des commodities, le marché de l’or, le marché des changes et aussi le marché des obligations d’Etat. Et il ne s’en prive pas…

… L’Etat chinois se comporte comme un pompier pyromane et plus précisément comme un vrai pyromane qui allume et active l’incendie et comme un faux pompier qui fait semblant de le combattre et en réalité l’attise. Ce n’est pas un hasard si c’est depuis 2001 que les finances publiques occidentales se sont délabrées toujours plus jusqu’à atteindre un niveau d’endettement alarmant….

C’est précisément à compter de 2001 que la Chine a enfermé ses rivaux, occidentaux et émergents, dans un redoutable piège : en rentrant en 2001 à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la Chine abolissait, tous les dispositifs de protection douanière à l’encontre des produits made in China alors que par ailleurs depuis 1993, elle avait positionné son Yuan à un cours tellement avantageux qu’il rendait la main d’œuvre chinoise de très loin beaucoup moins chère que dans tous les autres pays (y compris de l’Inde, du Brésil, du Mexique, de la Turquie….). La Chine accaparait ainsi une part considérable et croissante du marché mondial des produits manufacturés au détriment des pays occidentaux et des pays émergents. Par ailleurs, les investissements industriels des multinationales occidentales désertaient les pays occidentaux pour venir se concentrer en Chine (voir le récent rapport Mac Kinsey à ce sujet). Par son énorme manipulation de change, la Chine enrayait donc durablement deux moteurs essentiels des économies occidentales : leur commerce extérieur et l’investissement des entreprises…

La Chine, par une concurrence déloyale, nous empêche de produire et nous oblige à importer ses produits made in China et se permet ensuite de nous blâmer publiquement pour notre impécuniosité. »

L’analyse a le mérite de la clarté et de la simplicité. Pour autant elle est loin de faire l’unanimité : elle suscite en effet des commentaires extrêmement contrastés aussi bien dans Le Monde que sur le site Atlantico. Les uns pour la cautionner. Les autres pour la contester et essayer de la démonter, malheureusement trop brièvement et de manière souvent passionnelle.

Exemples de commentaires :

« Allons donc, c’est la faute au Chinois maintenant ! On aura tout vu : comme si l’endettement des Etats-Unis leur avait été imposé, et comme si les multinationales ne profitaient pas elles aussi des écarts de conditions sociales entre les pays d’Asie et « l’Occident ». La réaction préconisée par l’auteur, le protectionnisme, serait le réel aveu de faiblesse et la véritable abdication de la part de l’Union Européenne. Vous avez tout faux M. Brunet. » (Commentaire dans le Monde)

« Ma société a disparu emportée, comme des centaines d’autres, par la vague de produits chinois concurrents. Le Hic : ces produits étaient vendus en France en-dessous du prix de revient de leur matières premières !!! La chine « dump » ses produits en sous-estimant considérablement et volontairement sa monnaie. C’est une guerre économique, il serait grand temps d’en prendre conscience !!!  » (Commentaire sur le site Atlantico)

« En 1929 c’est devenu la faute des juifs, maintenant c’est la faute des chinois.En publiant ce seul article sans contrepoint le Monde participe à une nouvelle propagande. Je ne suis pas défenseur de ce régime loin s’en faut, mais qui a largement profité de son système d’exploitation interne pour faire de juteuses affaires sinon les occidentaux ?  » (Commentaire dans le Monde)

« Pas besoin d’avoir fait de grandes etudes, pour comprendre ces évidences. Nous ne pouvons nous en sortir, du fait que nous ne produisons plus rien, donc nous n’avons rien a vendre. De plus, nous continuons à emprunter pour combler la dette. Et quand bien même nous réduirions nos deficits, nous supprimerions ce qui reste de cohésion sociale (école publique, santé, sécurite sociale, service public…), cela ne changera rien. L’exemple US en est la preuve. » (Commentaire sur le site du Monde)

« Quand est ce que les nains politiques qui nous gouvernent prendront les mesures protectionnistes qui s’imposent face à la Chine et son milliard d’esclaves. Ils ont réussi avec la complicité du capitalisme libéral à anéantir nos modes de vie et de pensée. L’homme occidental n’a pas vocation à travailler en batterie comme les poules à la manière chinoise. » (Commentaire sur le site Atlantico)

« La Chine a surtout bénéficié de la volonté des investisseurs occidentaux d’accroitre leurs marges à court terme en allant produire chez les moins disants, expression même du dumping. Ces mêmes investisseurs n’ont eu de cesse de prétendre qu’il s’agissait d’un échange de bons procédés dont nous profiterions en retour. 20 ans plus tard, les investisseurs ont gagné beaucoup d’argent, les politiques sont soumis et les peuples crèvent. La faute de la Chine ? (Commentaire sur le site Atlantico)

Des articles qui pourraient vous intéresser