Inquiétante montée des profits aux Etats-Unis

profitsThe Economist a publié dernièrement une étude très pertinente sur la montée des profits des entreprises aux Etats Unis (voir graphique ci-joint où ils sont établis en pourcentage du PIB). Paradoxalement cette croissance est inquiétante. Elle explique même, selon le magazine, les profonds dysfonctionnements de l’économie américaine et par conséquent une bonne part aussi des problèmes de l’économie mondiale.
En 2007 déjà, le pourcentage des profits avait dépassé un plafond de 12%, soit un record qui remontait à 1929. Depuis 1998, l’amplitude des variations a été très forte, notamment avec une chute à 7% en 2008, du fait de la crise, puis avec une brutale remontée à près de 15% cette année. Du jamais vu !
Selon les analystes, il est douteux qu’on aille plus haut avant longtemps. Pour s’adapter à la crise et diminuer leurs charges salariales, les entreprises en effet ont déjà licencié massivement. Elles ont aussi délocalisé une partie de leur production. Et la concurrence de pays comme la Chine est telle que par sa pression elle contient les revendications salariales.
Normalement, avec les profits dont elles disposent, les entreprises devraient investir et du coup voir leurs bénéfices amorcer un recul. Pour plusieurs raisons The Economist estime que c’est improbable :
– Les entrepreneurs américains sont dans l’expectative. Ils redoutent un excès de règlementations et attendent l’issue de l’élection présidentielle de novembre. Immobilisme donc.
– Ils sont confrontés également à une faible demande intérieure. Les consommateurs sont prudents. Ils sont Inquiets devant les perspectives ternes d’exportation vers  la zone euro et les pays développés,
– La troisième grande raison tient à l’influence de l’intéressement des dirigeants (stock-options) qui choisissent de maximiser les profits à court terme au détriment du long terme et de l’investissement. Ils sont soutenus en cela par les actionnaires et par les gestionnaires de fonds qui pour leur part préfèrent à des distributions futures incertaines qu’une partie des profits soit utilisée aux rachats d’actions.
Dans sa conclusion, The Economist relève le paradoxe suivant : les entrepreneurs américains sont les plus chauds partisans d’une réduction des déficits publics, mais c’est leur propre réticence à investir et à embaucher qui empêche cette réduction et entretient le marasme économique.

Cet article a été repris par Laurent Pinsolle, dans son blog gaulliste libre, où il a suscité des commentaires très intéressants, dont celui-ci  sous la plume de Robert Lohengrien : « L’explication est aussi simple que cynique: les entreprises américaines ont augmenté voire multiplié leurs marges grâce à une gestion serrée des ressources internes des entreprises (en clair: plus de pression sur les salariés, plus de tâches à accomplir par un seul salarié sans augmentation du salaire), ainsi qu’à une politique restrictive en matière de recrutement. De plus, le droit de travail américain joue en faveur du patronat. Cela explique, du moins en partie, pourquoi le chômage ne baisse pas.
Les USA ont beaucoup changé. On n’y retrouve plus le rêve américain. Si vous êtes arrivé en bas de l’échelle sociale par un accident de la vie, vous aurez beaucoup de mal de remonter la pente. C’est un phénomène nouveau. Le fracture entre pauvres et riches s’est considérablement accrue depuis 1970. Et les perspectives ne sont pas meilleures.
Cette évolution – la débâcle économique et sociala des classes moyens en Occident – n’incite pas les grands comptes à investir dans la production. La nouvelle technologie financière permet de gagner de l’argent autrement et plus facilement.
Le pire pour nous c’est que certains lobbys puissants en Europe nous présentent les USA invariablement comme exemple à suivre. Nombreux sont ceux qui y croyent. »

Des articles qui pourraient vous intéresser