Hyperinflation : un risque cauchemardesque

« Le Monde » sous la signature de Pierre-Antoine Delhommais a publié un article fort intéressant, et alarmant aussi, sur le risque présent d’hyperinflation. Ce papier, daté du 14 mars et intitulé « Le poisson rouge et l’hyperinflation » est accessible ici.

Extraits:

« Il peut paraître un peu étrange et décalé d’évoquer les risques de flambée inflationniste alors que partout dans le monde, c’est la déflation – donc le contraire – qui aujourd’hui menace. Mais une phase d’hyperinflation serait une conséquence logique et ultime du jeu du mistigri que constitue la crise des subprimes. Un jeu dans lequel, comme le décrit bien M. Artus, chaque agent économique surdendetté se débarrasse de sa dette auprès de l’agent économique suivant : les ménages auprès des banques, les banques auprès des Etats, et les Etats, enfin, auprès des banques centrales.

Or pour faire face, ces dernières sont aujourd’hui contraintes d’utiliser « des outils non conventionnels », à savoir des moyens que les lois de l’économie interdisent. Les banques centrales américaine, japonaise, britannique, suisse achètent directement les emprunts que leurs propres Etats lancent pour financer le sauvetage des banques et les plans de relance. Elles mettent aussi dans leurs bilans une partie des dettes toxiques détenues par les banques et elles achètent enfin des titres émis par des entreprises. En clair, elles monétisent les dettes. Publiques et privées. Pas de jaloux. L’expression savante de « quantitative easing » dont on se sert pour désigner leur action ne doit tromper personne : les banques centrales font tourner la bonne vieille planche à billets. Jusqu’à quand cette monnaie créée en très grande quantité et assise sur des actifs de moindre qualité continuera-t-elle à inspirer confiance ? Que les citoyens commencent à se défier et la porte serait grande ouverte pour un épisode d’hyperinflation et de « fuite devant la monnaie.« 

L’article du Monde, dans son déroulé, fait référence au livre de Stephan Zweig « Le monde d’hier. Souvenirs d’un Européen » dont on peut trouver des extraits en ligne sur le site Melchior.fr, sous le titre « Les épisodes d’Hyperinflation – Souvenir d’Autriche » :

« Bientôt on vit naître une nouvelle profession, celle d' »accapareur », ainsi qu’on l’appelait. Des hommes sans occupation se chargeaient d’un ou deux sacs à dos et allaient trouver les paysans les uns après les autres ; ils prenaient même le train jusqu’à des endroits particulièrement rentables afin d’amasser par des voies illégales toutes sortes de vivres qu’ils détaillaient ensuite à la ville pour le quadruple ou le quintuple du prix qu’ils les avaient payées. Tout d’abord, les paysans étaient heureux de la quantité de papier-monnaie qui pleuvait dans leur maison en échange de leurs œufs et de leur beurre, et qu’ils « accaparaient » de leur côté. Mais dès qu’ils allaient à la ville avec leur portefeuille bien garni, ils découvraient avec amertume que, tandis qu’ils n’avaient exigé que le quintuple pour leurs denrées, les prix de la faux, du marteau, du chaudron qu’ils voulaient acheter avaient entre-temps été multipliés par vingt, par cinquante. Dès lors, ils ne songeaient plus qu’à se procurer des objets manufacturés et exigeaient le paiement en nature, marchandise contre marchandise. Après avoir déjà, dans ses tranchées, reculé avec succès jusqu’à l’âge des cavernes, l’humanité abolissait aussi la convention millénaire de l’argent monnayé et retournait au système primitif du troc. Un commerce grotesque s’instaura dans tout le pays. Les citadins emportaient chez les paysans tout ce dont ils pouvaient se passer, vases de porcelaine de Chine et tapis, sabres et carabines, appareils photographiques et livres, lampes et bibelots (…) Des biens tangibles, de la « substance », pas d’argent, tel était le mot d’ordre. Beaucoup durent retirer l’alliance de leur doigt et la ceinture de cuir qui entourait leur corps, afin de pouvoir nourrir ce corps.
Finalement, les autorités intervinrent pour arrêter ce trafic, dont la pratique ne profitait qu’aux riches ; de province en province, des escouades entières furent disposées, qui reçurent pour mission de saisir les marchandises des accapareurs circulant à bicyclette ou en chemin de fer et de les remettre aux offices de ravitaillement des villes. Les accapareurs ripostèrent en organisant à la manière du Far West des transports nocturnes ou en corrompant les agents chargés de la surveillance, qui avaient eux-mêmes à la maison des enfants affamés (…) De semaine en semaine, le chaos augmentait, la population s’excitait davantage. »

Cauchemardesque !

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