Agriculteur : la nouvelle vie de Charles Beigbeder

Agriculteur : la nouvelle vie de Charles Beigbeder

Le fondateur de SelfTrade et de Poweo exploite 22.000 hectares en Ukraine

Source : Le Figaro – 22 septembre 2009

« Rentier ? Vous pensiez peut-être que j’étais devenu rentier ? » Portable coincé contre l’épaule, Charles Beigbeder répond aux questions avant de sauter dans son Eurostar direction Paris. L’éternel jeune homme pressé de l’économie française qui s’était, dit-on, rêvé ministre, change de vie plus souvent que d’avis. Fondateur de SelfTrade, courtier en ligne, puis de Poweo, fournisseur alternatif d’électricité dont il a revendu sa participation avant l’été, il attaque, à 45 ans, sa troisième vie.

Via son holding familial « Gravitation », il est devenu l’un des plus importants agriculteurs d’Ukraine. L’ancien grenier de l’Europe possède 30 millions d’hectares d’excellente terre, dont 6 millions en triches. Actionnaire de référence, il est président d’AgroGénération qui a déjà investi 30 millions de dolars pour louer a long terme des terres dans cette jeune République.

Charles Beigbeder y exploite déjà 22 000 hectares de céréales. « Le début de l’aventure remonte à trois ans, explique–t-il. Nous voulions produire des biocarburants, avec AgroFuel. Depuis nous avons abandonné le projet de transformation et nous nous sommes concentrés sur l’amont, la production de céréales pour l’alimentation animale et humaine. Nourrir la planète sera le grand défi de demain. »

Trois fermes gigantesques, d’anciens kolkhozes de 6000 et 8000 hectares, servent de tête de pont. Le groupe veut doubler la mise. « Nous espérons disposer de 50 000 hectares dans les douze prochains mois, insiste Charles Vilgrain, directeur général d’AgroGénération. C’est du long terme. L’agriculture, ce n’est pas pour les hedge funds, il peut y avoir de mauvaises années. Nous atteindrons l’équilibre en 2010, un un plus tard que prévu. » Après l’Ukraine. le groupe songe à moyen terme à investir en Roumanie et après en Afrique.

AgroGénération n’est pas partie en Ukraine la fleur au fusil. « Nous nous appuyons sur le groupe industriel céréalier français Champagne Céréales qui assure notamment le négoce, c’est un partenaire indispensable », poursuit Chales Vilgrain.

Américains et Libyens sont déjà là

« Les entreprises françaises contrôlent ainsi directement 100 000 hectares, et participent, directement ou non, à l’exploitation d’un million d’hectares », estime Jean-Jacques Hervé, conseiller du ministre de la politique agraire d’Ukraine. Le pari reste risqué: « Le ticket d’entrée est d’un million d’euros pour une exploitation de 2000 hectares » indique Vincent Rocheteau, directeur général du groupe semencier Euralis en Ukraine. « Le rendement est inférieur avec 80 quintaux par hectare contre 100 en France dans les meilleures terres céréalières, assure-t-il. Mais le prix des engrais est moitié moindre qu’en France et le coût de main-d’oeuvre, c’est un rapport de 1 à 10. »

L’aventure est tentante mais risquée. « Je déconseille les démarches individuelles ». explique Jacques Mounier, président du conseil de direction de Calyon Bank Ukraine. Certains fonds souverains sillonnent pourtant le terrain. « Les émirats, les Libyens, les Américains sont déjà là, explique Pierre Begoc. expert du cabinet de conseil Agritel. L’Ukraine reste un pays d’avenir. » Charles Beigbeder ne le démentira pas. Mais déjà celui-ci évoque d’autres projets : la santé, l’énergie, les loisirs. L’intendance n’a qu’à suivre.

Charles Gautier

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